PresseTous"Lancelot du lac" ou le plaisir du conte

21 mars 2022

Plaisir du conte, raconté dans les trois dimensions du théâtre. Après Merlin, Gauvain et Perceval, voici Lancelot du lac, mis en scène par Julie Brochen et Christian Schiaretti, qui ont entrepris en 2011 de monter l’intégralité du formidable Graal Théâtre de Florence Delay et Jacques Roubaud.

Plaisir du conte, oui, sans guère de réserves à émettre. Car ce Lancelot pourrait bien être le meilleur épisode à ce jour de la geste arthurienne et théâtrale, qui se déploie ici à la fois dans le bonheur simple d’une histoire à nous racontée, et dans ses replis mystérieux et secrets qui, comme dans tout conte digne de ce nom, emmènent sur les terres brumeuses de l’inconscient.

Des territoires plus intimes
Il y a bien des choses sous les eaux calmes, dans les forêts obscures de ce Lancelot. Il est vrai qu’on l’aime particulièrement, ce chevalier qui ne sait pas son nom, qui adopte cent visages, et qui ne cesse de se perdre avant de se trouver, grâce à l’amour de deux femmes, l’amante, Guenièvre, et la fée mère, Viviane. Et sans doute a-t-il permis à Florence Delay et Jacques Roubaud de s’aventurer sur des territoires plus intimes que dans d’autres épisodes, avec toute leur finesse psychanalytique et poétique.

Lancelot, donc, a été enlevé tout petit à sa mère, la reine Hélène, par la fée Viviane, qui l’élève, sous le lac où elle vit, dans l’ignorance de sa lignée royale et de son nom. A quinze ans, le jeune homme décide de quitter le royaume enchanté de la Demoiselle du lac, et de se faire armer chevalier à la Cour du roi Arthur. L’on sait qu’il livrera moult batailles, et qu’il aimera la reine Guenièvre mais aussi, épisode longtemps occulté et remis au jour par les scribes Delay-Roubaud, le prince Galehaut, sire des Îles lointaines. Tandis que le roi Arthur, lui, rencontrera en secret l’enchanteresse Camille, qui n’est autre que la fée Morgane, sa sœur. L’inceste est bien l’un des secrets qui court tout au long de la légende du Graal et des chevaliers de la Table ronde.

Le spectacle s’ouvre par une irrésistible scène de joute amoureuse entre la fée Viviane et l’enchanteur Merlin. L’idée géniale, ici, est d’avoir demandé à cet acteur déflagrateur qu’est François Chattot de jouer Merlin, à qui il donne une truculence démoniaque à la Jérôme Bosch… sans être en chair et en os sur le plateau puisque, enfermé dans sa « prison d’air » à trois mètres au-dessus du sol, il n’est présent que sous forme d’image, comme s’il communiquait avec Viviane par Skype, en un réjouissant aller-retour entre moyen âge de légende et pragmatisme d’aujourd’hui.

De très belles images
Nos deux metteurs en scène ne craignent pas les combats, les armures et les cottes de maille, mais leur spectacle, traversé de très belles images, renoue avec une poésie qui n’avait pas toujours été au rendez-vous lors de certains épisodes précédents. Tout se joue dans le magnifique espace épuré conçu par Fanny Gamet et Pieter Smit, vaste plateau de bois blond où s’ouvrent des trappes et d’où surgissent des murailles de châteaux forts, dans les lumières entre terre et ciel d’Olivier Oudiou.

Dans Lancelot, les femmes détiennent les secrets de la vie et de la mort, et le scribe, double des deux auteurs du Graal Théâtre, ceux de la mise en abyme.

 

Fabienne Darge (Strasbourg, envoyée spéciale)
Journaliste au Monde – Novembre 2014

 

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